25 janvier 2012

Libertés d'expression

(Tiens, j'ai encore envie de faire un billet à peu près sérieux, ça doit être ma mauvaise période.)

En fait, quand on parle de la liberté d'expression, on devrait parler des libertés d'expression. Parce que,  comme beaucoup d'entre nous s'en rendent rapidement compte au quotidien, on pourrait en distinguer plusieurs.

La liberté d'expression, la vraie, la seule, l'authentique, trademark et tout, c'est celle qui fait que je puis avouer à n'importe qui, dans n'importe quelle circonstance, l'adoration que je voue, dans le désordre, aux pâtes, au punk rock, aux blagues racistes et à moi-même lorsqu'il m'arrive de dire quelque chose de drôle et/ou d'intelligent, et tout cela sans que quelqu'un ne me balance en taule, ne me passe à tabac, ou ne me fasse sauter la caboche en guise de désaccord. C'est bien entendu une valeur tout à fait noble, qui mérite qu'on se batte pour elle, et cætera.

C'est votre opinion et je ne la respecte pas.

Mais il y aussi un tout autre genre de liberté d'expression, qui d'ailleurs ne mérite pas ce nom : la liberté de dire des conneries. Et par "conneries", je n'entends pas "tous les points de vues qui ne sont pas le mien et/ou que je ne peux pas saquer". Par "conneries", j'entends clairement "conneries" : donner dans le négationnisme, conseiller aux gens gravement malades de laisser tomber leur médication ou tenir des propos racistes/xénophobes/etc (volontairement ou non), pour citer des exemples les plus extrèmes. C'est une tactique très employée (notamment par plusieurs braves gens des partis d'extrême-droite français) que de balancer quelques assertions volontairement polémiques (c'est le mot poli pour "troll") puis se dissimuler derrière l'excuse toute faite du "Eh ! Je ne fais qu'user de ma liberté d'expression !" lorsque les reproches se font entendre.

Évidemment, ces mêmes personnes font exprès de ne pas comprendre ensuite que leurs détracteurs font eux aussi usage de la liberté d'expression : si tu as le droit d'émettre ton avis, on a le droit d'en dire ce qu'on en pense.

Une variante également stupide de cette astuce est employée par des pseudo-artistes-en-devenir, des charlatans qui essaient de se faire passer pour des savants, et d'une manière générale par ceux qui se prennent pour ce qu'ils ne sont pas et qui n'apprécient pas la critique. Voici pour illustrations plusieurs mises en situation volontairement caricaturées (bien qu'inspirées de discussion réelles) :
"Voilà mon nouveau projet de roman, bla bla bla travail artistique, bla bla bla style poétique de l'école romantique, bla bla bla grand succès en préparation.
- Je sais pas, mec. Les tournures de phrases sont quand même inutilement lourdes et les personnages manquent pas mal de profondeur : j'veux dire, on dirait que le méchant n'est méchant que parce qu'il est sensé l'être.
- Tu cherches à détruire mon travail ! Mais nul ne nuira à ma liberté d'expression. Je sais que je suis un artiste et aucune insulte n'effacera cela ! On ne me fera plus taire !"

Autre exemple couramment rencontré :
"Bref, comme le démontre de façon imparable mon astrobiologie quantique, il faut absolument que tous les cancéreux du monde ne se soignent plus qu'avec des jus de pamplemousse quantiques.
- Ah non, désolé, mais c'est plus que stupide, à ce niveau c'est carrément criminel. Vous savez que vous risquez de tuer quelqu'un en prêchant un truc pareil ?
- Pfuh ! Vous êtes pareil à l'Eglise lorsqu'ils condamnèrent Galilée pour avoir prouvé l'existence de l'Amérique ! Vous cherchez à empêcher les Vrais Chercheurs de découvrir la Vérité ! Mais nous sommes libres, monsieur !"

Après quoi, l'autre répond soit par un "mais non, c'est pas de ça dont il est question" gêné, soit par un "Oh, ta gueule" lassé du gars qui a trop bien compris à qui il a affaire, certes peu constructif mais ô combien soulageant.

Le pire dans l'histoire est que cette tactique est aussi stupide qu'omniprésente, et qu'on n'est pas près d'arrêter de l'utiliser.

Pour m'excuser de ce billet trop sérieux et aigri, voici une photo de bébé phoque.

Ouuuuh, les bébés phoques ^____^

15 janvier 2012

Pourquoi il ne va rien se passer le 21 décembre 2012

C'est devenu impossible de l'ignorer, de plus en plus d'eschatologistes, de pseudo-penseurs à fond dans le New Age et d'autres amateurs de scandales nous prédisent la fin du monde pour le 21 décembre 2012. En fonction du cinglé que l'on interroge, ce jour verra l'arrivée de Nibiru, une invasion extra-terrestre, une guerre nucléaire, l'inversion soudaine des pôles magnétiques, l'effondrement du plan astral*, la destruction de la Terre par la comète Elenin (même si celle-ci n'existe plus...), l'ouverture de dimensions parallèles, l'accès de l'humanité à un plan spirituel supérieur*, j'en passe et très certainement des meilleures.

Il n'y a qu'à se baisser pour ramasser des prophéties idiotes à pleines poignées, ces jours-ci. Et pour mieux vendre cette peur (et tout ses produits dérivés : livres, bunkers anti-apocalypse, magazines, etc.) on nous assène tout un paquet de preuves non moins imbéciles : les mayas l'auraient prédit, les catastrophes s'accumulent donc ça veut dire que la fin est proche, plein de bouquins religieux de l'ancien temps l'ont dit aussi, j'ai vu une tâche sur mon fromage en forme de Napoléon Bonaparte, quelqu'un de célèbre l'a dit donc c'est vrai... Là aussi, il serait fastidieux d'en faire une liste complète (et même moi j'ai mieux à faire).

Et comme à chaque fois qu'une idée débile vient à naître sur ce monde malgré tout merveilleux qu'est Internet (c'est-à-dire près d'un million de fois par jour), il suffit qu'une personne possédant encore quelques neurones assez vaillants se penche un tout petit instant sur la moindre de ces histoires pour se rendre compte que ces tissus de conneries ne sont en fait que poudre aux yeux.
Hélas, le rationalisme et l'esprit critique sont loin d'être à la mode chez nos amis avaleurs de couleuvres. Et c'est ainsi qu'en dépit de contradictions gigantesques, d'incohérences grotesques et même de mensonges purs et simples avérés comme tels, ces jolies histoires continuent de s'épandre.

J'ai beaucoup de temps devant moi ces temps-ci, alors je te propose une petite remise à niveau de ce qu'il en est vraiment.

Chaque fois qu'un exemplaire de ce magazine est imprimé, un scientifique se pend.


1) Les Mayas l'ont prédit ! 

C'est très embêtant, mais l'origine même de cette histoire de prophétie de fin du monde est fausse. D'ailleurs, on ne devrait même pas parler de prophétie, puisqu'en l'occurrence il n'y a pas de prophète. Admettons que c'est un peu ballot... L'idée qu'on va tous y avoir droit en 2012 est en fait issue d'une interprétation plus qu'arbitraire du calendrier maya, donc le compte long s'avère se terminer, selon certains calculs (originellement ceux de l'auteur Terrence McKenna, écrivain allumé comparable aux grandes pontes de la littérature sous LSD tel que Zecharia Sitchin et autres Velikovsky), aux environs de cette date fatidique (Certains on plutôt trouvé 2062, ou encore 2112, mais enfin bon).

Mais les mayas eux-mêmes n'ont rien prédit. Il s'avère que le compte long de leur calendrier se termine à cette date (probablement), et puis c'est tout. De la même façon, je pourrais prédire la fin du monde pour le 31 décembre 2012, vu que notre calendrier chrétien s'y arrête.

Chose amusante (ou, selon la façon de voir, pathétique) : on affirme un peu partout sur Internet que les Mayas sont un peuple disparu, histoire de renforcer le côté mystérieux de l'affaire. Pourtant, il existe encore aujourd'hui huit millions de mayas vivant en Amérique du Sud et en Amérique Centrale, lesquels par ailleurs en ont ras-le-bol de ces histoires de fin du monde. On les comprend.